samedi 4 juin 2011

Une dernière journée comme un feu d'artifices

Ce samedi matin était pratiquement dédié à Matéi Visniec. D'abord la présentation de l'ouvrage que Daniela Magiaru lui a consacré (en fait son travail de fin d'études) puis les nouveautés parues chez nous.


 








Ensuite la lecture (tojujours dans cette magnifique librairie Humanitas, d'une de ses nouvelles pièces (érotiques !) : Lettres d'amour à une princesse chinoise ou comment j'ai dressé un escargot sur tes seins. Un énorme succès de foule et un très bel investissement du comédien...



Pour terminer mon programme de la semaine, j'ai "enfilé" trois spectacles pratiquement sans interruption. Et je ne l'ai pas regretté. D'abord des Belges, la Compagnie ChaliWate qui présentait Joséphina. Une proposition indescriptible (on dit une "performance théâtrale" faute de mieux) mêlant jeu, danse, mouvement, récit, textes d'auteurs... en les passant à la moulinette d'un couple qui s'aime et se déchirre. Un petit moment de grâce poétique malheureusement un peu perturbé par la sortie en grappes de spectateurs pressés d'aller voir le spectacle suivant. Inadmissible dans un tel festival, d'autant que ces spectateurs manifestaient visiblement un grand intérêt quelques secondes avant leur départ. On se met à la place des deux comédiens...

J'ai en fait eu ensuite tout le temps de me rendre une dernière fois au Radu Stanca pour découvrir un nouveau spectacle de Purcarete à partir d'un texte de Caragiale : D'ale carnavalului. Je suis toujours surpris par l'audace des propositions de ce metteur en scène qui a dirigé un temps la scène dramatique nationale de Limoges. Ici encore il s'en donne à coeur joie dans un spectacle mettant en jeu une quarantaine de comédiens et musiciens, avec des trouvailles servant bien le projet. Ce que ça raconte ? Difficile à résumer et l'intérêt n'est pas là. C'est surtout dans la ludicité, le tourbillon des personnages et en fin de compte la satyre d'une société déglinguée sur fond de carnaval que réside toute la puissance de ce spectacle... que je retiendrai comme un excellent souvenir de théâtre. Merci à Silviu... et à son immense équipe !


Enfin, j'ai vraiment apprécié le moment de détente intelligent que nous ont offert les PARFAITS INCONNUS (qui ne le sont pas en fait pour moi) du Canada avec une heure de bonne humeur, de musique et de numéros multiples de jonglage, accrobatie de tous ordres, équilibre... Peut-être pas de la très haute performance technique mais un emballage remarquable qui donne un sens théâtral au "nouveau cirque".


C'est ce qu'il me fallait pour terminer en beauté le copieux programme que je m'étais concocté dans ce festival de Sibiu 2011.

vendredi 3 juin 2011

Matéi Visniec est arrivé !

Ce n'est pas la première fois que nous nous retrouvons en Roumanie. Et c'est chaque fois avec le même plaisir. Matéi Visniec est arrivé ce soir à Sibiu et à tenu à me faire goûter la bière noire de chez Hermania et une sorte de saindoux qui fait prendre 200 gr rien qu'en le regardant. Ici, il connaît tout le monde et tout le monde le connaît. Touchant à constater.

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jeudi 2 juin 2011

Encore un coup de coeur

Comme chaque année, une présentation officielle de l'anthologie du théâtre contemporain a eu lieu en présence du directeur du festival. Publiés en version bilingue, ces textes viennent de différents pays. On y retrouve notamment FACTEUR HUMAIN du belge Thierry Janssen et un texte inédit de Matéi Visniec qui figurera sans doute bientôt dans notre catalogue.

J'ai ensuite assisté à la lecture de INSULA, de Gellu Naum, une pièce traduite en 6 langues à l'initiative de l'Institut roumain de la Culture. Belle lecture par des étudiants de l'Ecole de Théâtre du Sibiu et belle discussion ensuite sur le texte... que je connaissais déjà, sans doute parce que des traductions non autorisées circulent.

Comme spectacle, je retiendrai surtout COPLAS A LA MUERTE DE SU PADRE, de Amancio Prada (Espagne). D'abord un peu surpris par la forme, j'ai ensuite adoré ce grand cérémoniel chanté, une ode poétique à la paix et à la vie. Un moment très fort, hors du temps, qui m'a complètement bouleversé. Un autre coup de coeur, donc, dans ce festival.

mercredi 1 juin 2011

Fasciné par les Japonais

Nouvelle journée très chargée ce jeudi. Avec notamment l'ouverture de la Foire du Livre associée au festival. Aucun ouvrage en français présent. Nous y reviendrons...










Suite à la présentation, la veille, de OPINIA PUBLICA, un débat était organisé autour des notions d'anticommunisme, de critique sociale et de reconstitution historique d'un passé qui est encore très présent dans les mémoires. Je n'ai évidemment pas tout compris lors de cette rencontre animée par la journaliste critique Iulia Popovici, mais il semblait y avoir pas mal de choses à dire sur le sujet. J'ai aussi pu mettre un visage sur une jeune auteure dont on me parle souvent : Gianina Carbunariu.


Le spectacle POLANSKI POLANSKI (USA) évoque, de manière très "investie" pour ne pas dire hystérique, trois étapes de la vie du célèbre cinéaste : l'enfance, la "mésaventure" avec une adolescente et sa récente arrestation en Suisse. On devine clairement la volonté d'utiliser une écriture plutôt impressionniste que narrative et le comédien se démène comme un beau diable, avec d'inconstestables qualités communicatives. Mais cela ne suffit pas à rendre passionnants et à donner une lecture nouvelle et personnelle à des faits que nous connaissons déjà. Alors...

J'avoue par contre avoir été fasciné par le spectacle japonais qui nous était ensuite offert. Je ne gardais pas le meilleur souvenir de mes précédentes expériences nipones. Ici, avec le Yamanote Jijosha, on a l'impression que tous les codes ont été reserrés, clarifiés, que les scènes ont été raccourcies, etc. Non pas à l'intention du public européen mais bien des nouvelles générations japonaises qui perdent - ça je le sais - leurs marques culturelles et qu'il faut "récupérer" dans la mesure du possible pour leur permettre d'accéder à un art qui fait partie de leur patrimoine. Et c'est plutôt réussi. Si l'histoire reste parfois nébuleuse parce qu'on s'y perd un peu dans les (enjeux des) personnages, tout dans le jeu est à la fois étranger à nos pratiques et particulièrement passionnant : les entrées en scène des personnages, leur gestuelle, leurs mimiques, les sacades de leur corps, les arrêts sur image, le phrasé, etc. etc. Mon intérêt dépasse donc largement l'exotisme de la proposition pour y voir une autre manière de lire le théâtre d'aujourd'hui.


Enfin, ma journée s'est terminée par un spectacle de danse : InTimE par la Pal Frenak Company. (Hongrie) Techniquement, je pense que le travail est parfait, les danseurs d'une grand plasticité et débordant d'énergie. Mais je me suis assez vite fatigué de ces corps (auto)violentés et qui roulent et se trémoussent en de longs solos ou duos. Je ne suis entré dans la magie du spectacle, en oubliant les efforts des danseurs, qu'à de trop rares moments, quand justement l'intime et le sensuel prenait la place de la démonstration musculaire. Ceci dit, je connais mes limites en danse et serait plus prudent si je n'avais le sentiment que d'autres pensaient de même autour de moi.

Donner une nouvelle vie à des pièces de la période communiste ?

Je retiendrai, parmi les nombreuses activités du jour à Sibiu, la sortie de deux ouvrages en roumain autour de Luc Bondy et de son oeuvre. Ils ont été présentés et commentés par Alina Mazilu, responsable des activités en rapport avec les écritures et les livres, et par Georges Banu, en présence de Constantin Chiriac.


Je profite de l'occasion pour saluer Alina, ma "correspondante" au festival, qui lit de nombreux textes publiés chez nous et en choisit pratiquement un par année pour l'anthologie et les lectures. Je salue aussi Georges Banu dont j'ai appris à apprécier, au fil du temps et de nos rencontres sur "son" territoire et à Avignon, l'érudition mais aussi la grande clarté avec laquelle il exprime et fait passer un regard personnel, cohérent et très structuré, sur le théâtre. Même en roumain, j'arrive à saisir l'essentiel de son propos. Georges constitue à lui seul, ici mais aussi en France bien sûr, une mémoire de référence. Je suis donc très sensible aux marques de sympathie qu'il ne cesse de m'adresser.

Luc Bondy n'ayant pu faire le déplacement pour des raisons personnelles, la séance s'est terminée par la projection d'un entretien filmé qui a permis aux professionnels présents d'aller de l'avant dans la rencontre avec sa conception du théâtre, de la mise en scène, de son rapport aux textes, etc.


Parmi les spectacles du jour, je retiendrai surtout OPINIA PUBLICA, par le Radu Stanca National Théâtre. Une pièce inhabituelle dans son répertoire puisque beaucoup plus politique au premier degré. Ecrite par Aurel Baranga durant la période communiste, cette pièce pourrait sembler un peu datée mais, à y bien réfléchir, son propos dépasse largement le contexte historique et géographique. Une fausse démocratie interne, avec ses rites servant uniquement à jeter un peu de fumée sur la pression dictatoriale du politique sur les médias... ça ne vous rappelle rien ? La France... l'Italie... Il suffit d'ouvrir les journaux.
Sur le plan formel, et malgré quelques longueurs inévitables au vu du nombre de comédiens sur le plateau, la "machine théâtrale" tourne bien. La construction de la pièce, elle, trouve sans doute un lien de parenté avec des pièces anglo-saxonnes mettant en jeu les rouages internes des micros-sociétés (comme une salle de rédaction par exemple) et les influences internes et externes pour diluer à la fois la cohérence d'un projet intègre et les lignes directrices d'une politique rédactionnelle trop véléitaire.
Les murs d'images rappellent le contexte, et l'adresse directe d'un des personnages au public permet de prendre une certaine distance. Une réussite, me semble-t-il ! Merci d'avoir résuscité cette pièce... en espérant que d'autres de la même veine suivront... si le débat en cours confirme cet intérêt, ce qui n'est pas a priori acquis.


mardi 31 mai 2011

Presque deux coups de coeur !!!

Rencontres, lectures, les activités se suivent à un tel rythme qu'il est difficile d'en rendre compte de manière exhaustive.

L'après-midi, j'ai vu When I was dead, par le théâtre national de Slovénie. Une comédie. Ou plutôt une parodie d'un film muet entièrement interprétée par des hommes. En son genre, il me semble que ce spectacle était relativement précis, caricatural comme il se doit, et parsemé de gags (parfois un peu grivois) déclenchant l'hilarité de la salle... Mais bon, ce n'était pas ma tasse de thé et je n'ai tenu que deux tiers temps.

J'attendais beaucoup de Slices, un seul en scène d'Ofelia Popii qui joue cette "chaîne d'histoires courtes évoquant par bribes le parcours des personnages féminins qui entourent le même homme. Je ne connaissais pas ce texte éclaté de Lia Bugnar, mais j'aimerais beaucoup le lire car il me semble prendre des raccourcis étonnants et porter en lui une puissance narrative originale et impressionnante. Pour le reste, je suis chaque année impressionné cette jeune comédienne embrigadée, au sein du Radu Stanca, dans tous les rôles importants du répertoire qu'elle porte autant avec sa voix singulière que son investissement corporels sans égal. Dans cette pièce, j'ai parfois regretté un petit manque de retenue dans l'hystérie, mais je suis quand même sorti de la salle complètement bouleversé, incapable de faire le tri de mes sentiments et de mes émotions.

Enfin, et je ne peux que me réjouir de cette belle soirée, je dois à la compagnie Inbal Pinto d'Israël sans doute un de mes plus gros coups de coeur en danse de ces dernières années. Tout y est, dans ce Rushes plus : l'humour, l'émotion, la poésie, la variété, l'intelligence... et un savoir-faire tellement impeccable qu'il passe presque pour une anecdote dont on se détache vite. Ce spectacle, très visuel, installe son propre rythme et impose au spectateur d'entrer dans son jeu, ce que l'on fait avec un plaisir non dissimulé. Tout paraît simple, tout est superbement sophistiqué.

Ah que j'aimerais faire venir en Belgique une telle troupe et inviter des publics larges et variés, y compris et surtout des jeunes, pour leur faire partager l'excellent moment que j'ai vécu !

lundi 30 mai 2011

Constantin Chiriac fêté par la Belgique !

Par la réussite de "son" festival international de théâtre, mais aussi par le rôle essentiel qu'il a joué dans la désignation de SIBIU comme capitale culturelle européenne en 2007 puis dans la concrétisation du programme ambitieux et la poursuite des retombées importantes pour la région et le pays, Constantin Chiriac a acquis une solide réputation à la fois d'organisateur, de développeur de projets, de "recruteur de partenaires financiers" et de meneur d'équipes. Sa force de conviction est spectaculaire et sa tenacité sans bornes, à l'image de son audace à déplacer des montagnes dans des conditions souvent difficiles.

Ceux qui le fréquentent ici se demandent s'ils n'a pas un frère jumeau ou alors un solide don d'ubiquité car on le retrouve à la fois au four et au moulin, à la moindre rencontre avec des créateurs... mais aussi sur scène dans des rôles imposants. Même si la ville est petite, le chauffeur attitré ne manque pas de travail ! Et son équipe trinque tout autant que lui. Car il a su bien s'entourer.

Parmi ses préoccupations, la Belgique a visiblement une place importante. On le croise souvent chez nous et le programme de chaque édition comporte des compagnies (cette année le Théâtre National et la compagnie Chaliwaté) et intervenants venant des trois régions de notre pays. C'est pourquoi, dans un beau concert commun, l'Ambassadeur de Belgique, Philippe Beke, et la Déléguée Wallonie-Bruxelles, Fabienne Reuteur, se sont sympathiquement associés pour le fêter et lui remettre, au coeur du festival qu'il dirige, la médaille d'OFFICIER DE L'ORDRE DE LA COURONNE.

Cérémonie simple, empreinte d'une solide émotion et partagée par toute l'équipe du festival mais aussi de nombreux participants étrangers.

Bravo Constantin. Tu fais partie de ces bulldozers qui renversent les obstacles parce que tu crois profondément à ce que tu fais et que, quelles que soient les armes que tu utilises, tu le fais toujours avec la profonde et sincère conviction que c'est pour le bien de "ta" ville, de ton pays et plus généralement du théâtre et de ses créateurs.



Après un (excellent) vin d'honneur offert par le festival, le jubilaire, l'Ambassadeur et la Déléguée ont tenu à poser en compagnie des comédiens du spectacle Le chagrin des ogres, dignes représentants de notre Théâtre National dans le cadre de ce festival.